Investir dans la prévention et la prise en charge de l'obésité, économiser des milliards
25 octobre 2022
25 octobre 2022
La bonne nouvelle c'est que nous disposons désormais d’une feuille de route mondiale et d’un nouveau moyen important de montrer le coût de l'inaction en matière d'obésité et les arguments en faveur de l'investissement. La Fédération mondiale de l’obésité et RTI International ont collaboré pour trouver un moyen simple et équitable de mesurer ce coût. Nous avons examiné les coûts médicaux du cancer, des maladies cardiovasculaires et d'autres MNT, ainsi que l'impact des incapacités et des décès précoces, comme l'a si douloureusement démontré la pandémie de COVID. La nouvelle méthodologie, disponible sur le site de l'Observatoire mondial de l'obésité, montre que l’ensemble de ces coûts ont représenté environ 2,2% du PIB, et qu'ils représenteront presque le double d’ici 2060 si l'on persiste à faire comme si de rien n’était.
L'augmentation constante de l'obésité dans tous les pays est directement liée à la faible priorité qui lui a été accordée. L'obésité est souvent considérée comme un échec personnel ou envisagée de manière extrêmement simpliste, l'individu devant simplement « manger moins et bouger plus ». Ces approches passent à côté des principales raisons pour lesquelles les taux d'obésité ne cessent d'augmenter :
La science est encore en pleine évolution. Ce n'est qu'en 2013 que le consensus scientifique qualifiant l'obésité de maladie a été atteint. On en apprend de plus en plus sur la pathologie de l'obésité, à la fois en tant que maladie et que facteur d'autres affections, ainsi que sur la façon dont l'augmentation du poids est fonction d’un environnement obésogène. Pourtant, les recommandations politiques ont tendance à se concentrer uniquement sur un ou deux domaines, alors qu’il est essentiel de travailler simultanément sur plusieurs fronts.
L'obésité continue d’être négligée. Bien que l'on estime que cinq millions de décès dus aux MNT par an sont attribuables à l'obésité, de nombreux pays ne mesurent pas l'obésité systématiquement et il existe peu de champions en la matière. Cela signifie que la réponse a été fragmentée, y compris de la part de l’OMS, tandis que les principales références sur les MNT, telles que le Compte à rebours 2030 du Lancet et l’étude sur la charge mondiale de la morbidité (Global Burden of Disease), mentionnent à peine l’obésité ou la classent uniquement comme un facteur de risque. Les façons dont nous mesurons cette maladie doivent changer.
L'impact économique a été sous-estimé, et il est gigantesque. La nouvelle étude de la Fédération mondiale de l’obésité et RTI montre que l'impact économique du surpoids et de l'obésité représente des milliers de milliards de dollars, et un pourcentage du PIB. D'ici 2060, si les taux d'obésité infantile continuent d'augmenter, la Chine affectera 10 000 milliards de dollars par an en coûts évitables liés au surpoids et à l'obésité, les États-Unis et l'Inde n'étant pas loin derrière. Les pays les plus pauvres connaîtront les taux de croissance les plus élevés.
La stigmatisation et les préjugés entravent l'action. La stigmatisation, c’est-à-dire croire en des mots, des images et des attitudes qui présentent de manière erronée l'obésité comme une question d’échec personnel, constitue un obstacle considérable qui empêche les personnes atteintes de surcharge pondérale et d'obésité d’obtenir de l'aide. Les professionnels de la santé et les décideurs politiques apportent eux aussi parfois leurs propres préjugés dans la façon dont ils abordent ou évitent l'obésité, ce qui entraîne des retards dans les soins et une détérioration de la santé.
Nous savons donc que nous avons besoin de moins de préjugés, de moins d'inertie et de moins de retard. Et que nous avons besoin d’œuvrer plus ensemble, et ce principalement de trois manières :
Investir à la racine : le cadre ROOTS. Ce cadre, élaboré par la communauté de l'obésité en 2020, reconnaît la complexité des racines de l'obésité, notamment la génétique, les troubles du sommeil, les aliments transformés mauvais pour la santé, le marketing et la santé mentale. Nous demandons l’application du cadre de solutions ROOTS (Reconnaître l'obésité comme une maladie et un risque, Obésité tout au long de la vie, Obésité et surveillance, Traiter et former, Systèmes incluant l'alimentation et la santé).
Investir dans le plan d'accélération et les recommandations sur l'obésité de l'OMS. Ces mesures ont été adoptées par l'Assemblée mondiale de la Santé en mai 2022, avec 24 pays chefs de file et beaucoup d'autres qui se concentrent sur les recommandations relatives à l'obésité. La société civile a un rôle crucial à jouer pour défendre et aider à mettre en œuvre les recommandations et les plans nationaux.
Investir dans l'obésité en tant que telle pour investir dans la prévention des MNT. Pendant trop longtemps, l'obésité n'a pas été considérée comme une priorité, même parmi les MNT. Pourtant, nous savons qu'investir dans l'obésité permettra de sauver des vies face aux maladies cardiovasculaires, aux cancers et à d'autres MNT, et d'augmenter les ressources pour une meilleure santé. Investir dans la prévention et la prise en charge de l'obésité, c'est investir dans la prévention globale des MNT.
Engageons-nous tous à investir dans la lutte contre l'obésité. Nous ne pouvons pas nous permettre l’échec d’une autre cible et nous savons ce qui fonctionne. Agissons, ensemble.
Johanna Ralston est Directrice générale de la Fédération mondiale de l'obésité et, depuis longtemps, leader, défenseure, aidante et personne ayant une expérience directe des MNT. Elle a également été Directrice générale de la Fédération mondiale du cœur et membre du comité directeur de la NCDA, vice-présidente des stratégies mondiales de la Société américaine du cancer et membre du Geneva Center for Security Policy.