La résistance aux antibiotiques fait peser une lourde menace sur la santé mondiale, qui a son importance pour les MNT
17 mai 2019
17 mai 2019
Bengt est un homme que j’ai connu de cette façon. Ancien homme politique, il a développé une leucémie aiguë il y a douze ans. Il y a survécu à deux reprises. La raison pour laquelle Bengt a survécu à son traitement anti-cancéreux invasif, et est à présent un père débordant d’énergie pour ses deux fils, ne tient pas uniquement à l’efficacité de la chimiothérapie et des greffes de moelle osseuse : Bengt a également reçu quinze cycles d’antibiotiques pour faire face aux infections contractées au cours de son traitement, grâce auxquels son corps mal en point a pu résister à ces infections. Sans des antibiotiques efficaces, les oncologues n’auraient rien pu faire pour l’aider.
Il y a 100 ans, la plupart des patients atteints de cancer mourraient. Grâce à l’évolution continue des méthodes de diagnostic et de traitement, aujourd’hui plus de deux patients sur trois survivent à un diagnostic de cancer. Cette augmentation continue du taux de survie nous a rendus plutôt optimistes : de plus en plus de patients allaient survivre. Mais l’avenir est-il vraiment aussi prometteur ? L’histoire de Bengt, qui n’est pas unique en son genre, illustre le lien entre le traitement du cancer et ce que l’OMS signale comme étant la plus grande menace pesant sur la santé mondiale à l’heure actuelle : la résistance aux antibiotiques ou antibiorésistance.
Lorsque l’OMS a annoncé en 2013 que la résistance aux antibiotiques constituait le principal enjeu de santé mondiale, nous nous sommes aperçus que le principal défi pour le traitement du cancer et sa survie était précisément l’antibiorésistance. Nous avons réalisé que nous avions un rôle à jouer pour empêcher le scénario catastrophe de se concrétiser : une ère post-antibiotique, dans laquelle les infections communes et les lésions mineures peuvent à nouveau devenir mortelles. Les personnes qui suivent un traitement pour d’autres maladies, avec un risque élevé d’exposition aux infections et dont le système immunitaire est affaibli, tels que les patients atteints d’un cancer, sont particulièrement vulnérables.
Mais à l’instar de ce qui se produit pour la question du changement climatique, la situation désastreuse de la résistance aux antibiotiques et ses conséquences, peuvent paraître abstraites et difficiles à cerner. C’est comme si nous pensions : « oui c’est vrai, cette situation existe, mais est-elle vraiment généralisée ? C’est un problème trop accablant pour nous ». Et comme la résistance aux antibiotiques n’est pas une maladie, mais plutôt une cause sous-jacente de maladie, contrairement à la pratique habituelle, la société civile ne s’est pas encore érigée pour soutenir les gouvernements face à cette question complexe.
En nous appuyant sur des histoires comme celle de Bengt et sur la sensibilisation mondiale suscitée par la Réunion de haut niveau des Nations Unies sur la résistance aux antimicrobiens lors de laquelle les États membres se sont tous engagés à mettre en œuvre des plans d’action nationaux sur ce phénomène, nous avons fait le choix stratégique de faire de la résistance aux antibiotiques une priorité pour la Société norvégienne du cancer.
17 millions de nouveaux cas de cancer apparaissent chaque année dans le monde. Près de 10 millions de patients atteints d’un cancer décèdent. Il y aura 27,5 millions de nouveaux cas de cancer chaque année dans le monde d’ici 2040. Avec un tel volume, le cancer nous touche tous, que nous soyons patients, parents ou amis d’un malade. En utilisant notre influence pour braquer les projecteurs sur cette question et sur le lien entre résistance aux antibiotiques et cancer, nous pouvons faire entendre notre voix, ce qui est nécessaire pour faire comprendre à tous pourquoi la résistance aux antibiotiques constitue une menace aussi importante et qui nous affecte tous. Et chacun d’entre nous peut contribuer à endiguer l’antibiorésistance en suivant quelques simples conseils :
Lavez-vous les mains ! – Avoir les mains propres permet la prévention des infections. Sans maladie, pas besoin de traitement.
Vaccinez-vous ! – Avec les vaccins, moins de personnes ont besoin de traitement.
Suivez les conseils de votre médecin ! – Ne réclamez pas d’antibiotiques. Faites confiance aux recommandations de votre médecin.
Engagez-vous ! – Faites pression sur les politiques et favorisez la sensibilisation.
Du point de vue de l’organisation, notre expérience nous a montré que s’engager dans la lutte contre la résistance antimicrobienne porte également ses fruits. En soutenant notre gouvernement en matière de sensibilisation, nous nous sommes positionnés en tant qu’organisation qui prend ses responsabilités et agit contre une menace commune.
En utilisant le cancer pour illustrer de quelle façon la résistance aux antibiotiques nous touche tous, nous avons ouvert les yeux du grand public et des décideurs politiques. Nous avons choisi le cancer, mais il une multitude d’autres histoires de patients pourraient être elles aussi racontées. La communauté des MNT peut se faire entendre si elle parle d’une seule voix. Je vous encourage à utiliser votre influence et à vous joindre à nous dans un partenariat pour résoudre le défi posé par la résistance aux antibiotiques (lien externe).
AMR: The biggest threat to cancer treatment (Norwegian Cancer Society, LIEN) [Résistance aux antibiotiques : la principale menace au traitement du cancer – Société norvégienne du cancer]
New report calls for urgent action to avert antimicrobial resistance crisis (WHO news, April 2019, LIEN) [Un nouveau rapport appelle à une action urgente pour éviter une crise de résistance antimicrobienne – OMS, centre des médias, avril 2019]
No Time to Wait: Securing the future from drug-resistant infections (WHO/IACG on AMR report, April 2019, LIEN) [Pas le temps d’attendre : assurer l’avenir contre les infections résistantes aux médicaments – OMS/IACG sur le rapport sur la résistance antimicrobienne, avril 2019]
Tackling Antibiotic Resistance - the impact for cancer patients (December 2014, LIEN) [Faire face à la résistance aux antibiotiques – l’impact pour les patients atteints de cancer – décembre 2014]
Potential burden of antibiotic resistance on surgery and cancer chemotherapy antibiotic prophylaxis in the USA: a literature review and modelling study (The Lancet, October 2015, LIEN) [la charge potentielle de la résistance aux antibiotiques sur la prophylaxie antibiotique en chirurgie et chimiothérapie anti-cancéreuse aux États-Unis : revue systématique et étude de modélisation – The Lancet, octobre 2015]
Tackling Drug Resistant Infections Globally: Final report and recommendations (May 2016, LIEN) [Faire face aux infections résistantes aux médicaments au niveau mondial : rapport final et recommandations – Mai 2016]
The world is running out of antibiotics, WHO report confirms (WHO news, September 2017, LIEN) [Le monde commence à manquer d’antibiotiques, selon un rapport de l’OMS – OMS, centre des médias, septembre 2017]
Anne Lise Ryel est actuellement Secrétaire générale de la Société norvégienne du cancer (NCS) (@kreftforeningen(lien externe)) où elle pilote la lutte contre cette maladie au plan national et international depuis 2002. Elle a un vaste bagage professionnel dans tous les secteurs de la société : juriste de formation, elle a exercé en tant qu’avocat d’entreprise dans le secteur privé, en tant que Médiatrice de l’égalité des genres pour la Norvège, en tant que Directrice générale adjointe à la Direction de la santé, puis dans la sphère politique, en tant que ministre adjointe au ministère norvégien de la Justice.