Obésité, sous-nutrition et changement climatique : facteurs communs, solutions partagées
9 août 2019
9 août 2019
Premières causes de mortalité dans le monde, les MNT sont responsables de près des deux-tiers de l’ensemble des décès. Ce sont les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI) et les populations les plus pauvres et les plus vulnérables qui sont les plus touchés, et notamment les petits États insulaires en développement, mais il est possible d’atténuer fortement l’épidémie mondiale de MNT en prenant dès à présent des mesures pour en aborder des facteurs tels que le tabagisme, l’usage nocif d’alcool, la mauvaise alimentation, la sédentarité et la pollution atmosphérique.
En janvier 2019, la commission du Lancet sur l’obésité a publié un rapport très pertinent dans le contexte des petits États insulaires, intitulé « Obésité, sous-nutrition et changement climatique : une syndémie mondiale’1. La malnutrition sous toutes ses formes, dont l’obésité, la sous-nutrition et d’autres risques alimentaires, est la première cause de mauvaise santé dans le monde. On peut également parler de pandémie s’agissant du changement climatique, en raison de ses effets dévastateurs sur la santé humaine et les systèmes naturels dont nous dépendons (c.à.d. la santé planétaire).
Ces trois pandémies (obésité, sous-nutrition et changement climatique) constituent la syndémie mondiale. Elles forment une synergie d’épidémies, car elles ont lieu en même temps et au même endroit, elles interagissent les unes avec les autres pour produire des effets complexes et elles partagent les mêmes facteurs sociétaux sous-jacents.
Les principales recommandations politiques générales formulées dans le rapport sur la syndémie mondiale sont les suivantes :
1) Garder la syndémie mondiale à l’esprit pour mettre l’accent sur des facteurs systémiques communs nécessitant des actions partagées.
2) Décloisonner réflexion et action afin de créer des plateformes de travail collectif sur les facteurs systémiques communs et les interventions ayant un double, voire un triple effet.
3) Renforcer les leviers nationaux et internationaux de gouvernance afin de pleinement mettre en œuvre des politiques convenues par le biais de directives, résolutions et traités internationaux. Mais attention aux conflits d’intérêts lors de leur élaboration !
4) Renforcer les leviers municipaux de gouvernance afin de mobiliser l’action au plan local et de créer une pression pour agir au plan national.
5) Renforcer la mobilisation de la société civile afin d’encourager le changement systémique et la pression en faveur d’une action politique à tous les niveaux de gouvernance pour combattre la syndémie mondiale.
6) Réduire l’influence des grands intérêts commerciaux sur le développement des politiques publiques, afin de permettre aux gouvernements de mettre en œuvre des politiques d’intérêt général destinées à améliorer la santé des générations actuelles et à venir, ainsi que l’état de l’environnement et de la planète.
7) Renforcer les systèmes de reddition des comptes concernant les politiques destinées à lutter contre la syndémie mondiale.
8) Créer des modèles de gestion durables et favorables à la santé pour le 21ème siècle, afin de passer d’une approche court-termiste exclusivement centrée sur le profit, à des modèles durables et rentables comprenant des avantages explicites pour la société et l’environnement. Le statu quo actuel ne fonctionne décidément pas !
9) Orienter la recherche sur les déterminants de la syndémie mondiale et les actions destinées à créer un corpus de données sur les facteurs et actions systémiques, incluant les conceptions autochtones et traditionnelles de la santé et du bien-être.
Les facteurs communs à entre l’obésité, la sous-nutrition et le changement climatique montrent que de nombreuses interventions sur les systèmes pourraient faire avoir un double, voire un triple, emploi effet pour infléchir la trajectoire de ces trois pandémies en même temps. Cependant, le un simplemoindre exemple nous prouve à quel point ces actions peuvent être délicates à mettre en œuvre.
Les directives nutritionnelles nationales servent à développer des politiques alimentaires et nutritionnelles et des programmes de sensibilisation publique afin de réduire l’obésité et la sous-nutrition, et pourraient être élargies à la durabilité, en poussant les populations à passer à des régimes alimentaires davantage végétariens. Toutefois, les efforts de nombreux pays pour inclure des principes de viabilité environnementale dans leurs directives alimentaires ont échoué en raison des pressions exercées par des lobbies alimentaires puissants (notamment les secteurs industriels de la viande bovine, des produits laitiers, du sucre et des aliments et boissons ultra-transformés). Seuls quelques pays (dont le Brésil) ont mis au point des directives diététiques en faveur de régimes et d’habitudes alimentaires écologiquement durables et garants de la sécurité alimentaire, ont relevé les enjeux du changement climatique et ont amélioré la qualité de l’alimentation, de la santé humaine et du bien-être, et de la justice sociale.
Il n’est pas aisé de produire les changements systémiques nécessaires pour réorienter les systèmes alimentaires et mettre un terme à la tendance actuelle qui va des aliments authentiques vers des aliments encore plus ultra-transformés, car les comportements individuels sont fortement influencés par les environnements obésogènes. Il existe néanmoins des politiques simples et rentables favorables à la création de systèmes alimentaires plus sains et plus durables tels que 1) les politiques fiscales (c.-à-d. taxation des produits nocifs) ; 2) les restrictions de commercialisation ; 3) les avertissements clairement affichés à l’avant des emballages (modèle chilien notamment) des aliments et boissons ultra-transformés mauvais pour la santé ; et 4) la promotion d’environnements alimentaires institutionnels plus sains, tels que les écoles et autres.
Ces quatre domaines politiques clés peuvent permettre de répercuter une partie du coût des externalités dans le coût final du produit. La réglementation en la matière a permis d’infléchir l’épidémie de tabac et nous pouvons en appliquer les leçons aux questions de politique alimentaire.
En conclusion, tant que produire et vendre des produits ultra-transformés sera moins cher et plus rentable que de produire des aliments authentiques et sains qui ne polluent ni l’air, ni l’eau ni les sols et ne nuisent pas à la santé des agriculteurs ou des consommateurs, il sera impossible d’arriver à une sécurité alimentaire et nutritionnelle réelle et durable.
J’appelle donc les États membres, le système des Nations Unies et nous tous, membres de la grande communauté alimentaire et nutritionnelle, à adopter un système alimentaire intégré et des approches qui placent les populations et la planète au cœur des politiques publiques.
Paula Johns (@johnspaula) est directrice générale et co-fondatrice de ACT Health Promotion @actbr, une ONG à la tête d’une coalition brésilienne de plus de 1 000 membres, créée pour soutenir les politiques destinées à réduire la charge des MNT. Elle siège également au Comité directeur de l’Alliance sur les MNT.