Ce discours a été prononcé par Katie Dain, Directrice générale de l’Alliance sur les MNT, au cours d’un session consacrée au financement des MNT qui a eu lieu lors de l’audition interactive de préparation à la Réunion de haut niveau de 2018 sur les MNT. « Pour la société civile, quelles sont les opportunités qu’ont les pays afin d’augmenter le financement des MNT ? »

5 juillet 2018, New York :

Aujourd’hui nous ne sommes qu’à 84 jours de la troisième RHN ONU sur les MNT. Et nous avons 4.580 jours pour atteindre les Objectifs de développement durable. Si nous voulons que la prochaine RHN soit couronnée de succès, et que les gouvernements aient une véritable chance d’atteindre les ODD liés aux MNT, nous devons examiner de près le financement.

En 2018 nous connaissons trois faits déterminants sur le financement des MNT :

1. Le niveau actuel d’investissement dans les MNT est pitoyable : moins d’un milliard de dollars américains par an de l’ADS   est alloué aux MNT. C’est trois fois rien si on compare avec le VIH/SIDA, qui reçoit neuf fois ce montant ; et c’est tout simplement dérisoire par rapport aux investissements annuels réalisés dans le cadre des dépenses militaires mondiales, qui s’élèvent à 1.700 milliards de dollars.
2. Les économies s’appauvrissent à cause des coûts directs et indirects des MNT. Les pertes annuelles subies par les PIB vont de 3,5% à 5,9%, et le coût que cela aura représenté pour les pays en développement, à eux seuls, entre 2011 et 2025 s’élèvera à 7.000 milliards de dollars US, soit l’équivalent des PIB combinés de la France, l’Espagne et l’Allemagne l’année dernière.
3. Le retour sur investissement que l’on obtient avec les MNT dépasse nettement les coûts. Pendant trop longtemps les MNT ont été cataloguées comme une dépense, alors que la plupart des « meilleurs choix » ont en réalité un coût faible, sont abordables pour tous les pays et constituent un investissement intelligent et stratégique. Pour chaque dollar investi dans les MNT, le retour pour la société s’élève à au moins 7 dollars, en termes d’accroissement de l’emploi, de productivité gagnée et d’allongement de la durée de la vie. Pour les gouvernements le message est clair : investir maintenant pour faire des économies plus tard.

En tant qu’organisations de la société civile, nous ne connaissons que trop bien les conséquences véritablement dévastatrices de cette inertie politique et du niveau actuel d’investissement dans les MNT qui est franchement irresponsable et contraire à l’éthique. Ainsi, des millions de personnes et de communautés supplémentaires auront perdu des êtres chers dont la mort aurait pu être évitée. Des millions d’autres auront été les témoins du massacre des amputations et des invalidités causées par un manque de diagnostic et de traitement. Des millions encore auront lutté contre la grande pauvreté provoquée par les dépenses à payer de leur poche qui ont des conséquences catastrophiques.

Mais comme toujours, en tant que société civile nous ne sommes pas ici uniquement pour déplorer la crise actuelle. Nous sommes ici armés de solutions et de recommandations concrètes, étayées par des données probantes et fondées sur l’expérience.

Aujourd’hui, nous avons un programme en 5 points sur le financement des MNT que nous vous exhortons à examiner pour la RHN :

1. La volonté politique au plus haut niveau : si cette déclaration politique ne fait pas état d’un engagement fort de la part des chefs d’État et de gouvernements à diriger et guider une action décisive, inclusive et responsable contre les MNT, nous aurons tout simplement échoué. Il s’agit là d’une condition préalable au financement. Nous savons tous que les ministres de la Santé ne tiennent pas les cordons de la bourse. Et qu’ils n’ont pas le pouvoir de mobiliser une réponse impliquant l’ensemble du gouvernement, une réponse où tous les services du gouvernement sont engagés, disposent de lignes budgétaires destinées aux MNT, et sont cohérents dans leurs politiques. Les chefs d’État et de gouvernements, et eux seuls, ont le pouvoir de faire cela.
2. Des données plus nombreuses et de meilleure qualité sur les ressources : les données actuelles sur les ressources nationales sont extrêmement lacunaires et parcellaires concernant les MNT : seuls 26 pays ont déclaré des dépenses spécifiques pour les MNT entre 2010 et 2016. Il est crucial d’améliorer la collecte et l’utilisation des données sur les dépenses nationales, et d’inclure les MNT dans les comptes nationaux de la santé, afin de mieux cibler les investissements vers les populations dans le besoin et d’accroître l’efficacité de la prestation de services.
3. Mettre en œuvre des politiques fiscales pour la santé : Une mesure fiscale puissante que les gouvernements ont à portée de main consiste à augmenter les taxes sur les boissons sucrées, le tabac et l’alcool (communément appelés STAX, du sigle anglais pour Sugar-sweetened beverages, Tobacco and Alcohol taXes). Les STAX suscitent de plus en plus d’intérêt en tant qu’instrument de politique permettant d’améliorer la santé publique, de sauver des vies et de dégager des ressources en vue d’investir dans la santé et le développement durable. Malgré les déclarations de l’industrie, et de certains gouvernements, il existe suffisamment de preuves de l’impact de ces taxes sur la réduction de la consommation. Ce sont des instruments favorables aux pauvres. Et le nombre même de pays qui les ont adoptées témoigne de leur efficacité,  reflétant que ces taxes constituent de plus en plus la norme plutôt que l’exception.
4. Apporter une aide au développement qui soit un catalyseur pour les MNT : bien que la mobilisation de ressources nationales soit importante, nous devons être réalistes avec les 30 pays à faible revenu qui allouent moins de 5% de leur PIB à la santé. Il est irraisonnable d’attendre des avancées sur les MNT sans financement catalytique de la part des bailleurs de fonds. Et c’est ici que l’on voit à quel point le milliard de dollars d’aide au développement actuellement investi dans la lutte contre les MNT est ridicule et contraire à l’éthique. Nous lançons un appel aux gouvernements donateurs afin qu’ils passent à la vitesse supérieure, qu’ils intègrent les MNT aux priorités existantes, et qu’ils répondent aux nombreuses demandes de soutien de la part des pays à faible revenu en matière de MNT.
5. Mobiliser les mécanismes de financement existants et nouveaux pour les MNT : pendant trop longtemps, la communauté des MNT a été trop polie en demandant une redéfinition de l’architecture sanitaire mondiale, qui a déterminé les priorités et les ressources. Tout en maintenant notre position selon laquelle nous ne voulons pas d’un nouveau Fonds mondial pour les MNT, après 10 de progrès d’une lenteur glaciaire, nous voulons voir des engagements concrets qui démontrent que le Fonds mondial, le Mécanisme de développement mondial et UNITAID veulent vraiment mettre en place des approches intégrées et traiter les comorbidités des MNT. Et nous attendons des gouvernements qu’ils fassent preuve d’audace et qu’ils étudient de nouveaux mécanismes de financement consacrés aux MNT, tels que le fonds fiduciaire multipartenaires pour les MNT qui figurait tant dans le rapport de la Commission de haut niveau de l’OMS que dans la résolution récente de la Task force inter-agence sur les MNT.

En conclusion, j’ai un message à l’attention des gouvernements.

Nous en avons assez. Assez de votre manque d’urgence. Assez de vos investissements pitoyables. Assez des manquements à vos responsabilités. Vous devez vous intéresser au nerf de la guerre afin d’inverser la tendance pour les MNT. Et ceci implique de saisir l’occasion offerte par la RHN et de dépasser la formulation générale convenue précédemment sur la question du financement pour prendre des engagements concrets et tangibles. Si vous ne le faites pas cette fois-ci, le prix à payer est clair : 120 millions de vies perdues prématurément à cause des MNT d’ici à 2025.

***FIN***

Visitez enoughncds.com et impliquez-vous dans la campagne de la NCDA qui demande aux dirigeants du monde de mettre un terme aux souffrances et aux décès évitables dus aux MNT. Nous connaissons les solutions. Il est temps de passer à la volonté politique et à l’action significative.