Prenez-le à cœur - Aucune quantité d’alcool n’est sûre
17 février 2022
17 février 2022
« À ce jour, aucune corrélation fiable n'a été trouvée entre une consommation modérée d'alcool et un risque plus faible de maladie cardiaque », déclare la Fédération mondiale du cœur (WHF) dans un communiqué de presse en date du 22 janvier.
Dans ce communiqué, qui annonçait sa dernière note d'orientation, la WHF met en évidence la nature mortelle de l'alcool : En 2019, plus de 2,4 millions de personnes sont mortes à cause de l'alcool, ce qui représente 4,3 % de tous les décès dans le monde et 12,6 % des décès chez les hommes âgés de 15 à 49 ans. « Des études ont montré que même de petites quantités d'alcool peuvent augmenter le risque de maladie cardiovasculaire, notamment de maladie coronarienne, d'accident vasculaire cérébral, d'insuffisance cardiaque, de cardiopathie hypertensive, de cardiomyopathie, de fibrillation auriculaire et d'anévrisme », poursuit la note, intitulée The Impact of Alcohol Consumption on Cardiovascular Health: Myths and Measures [L’impact de la consommation d’alcool sur la santé cardiovasculaire : mythes et mesures].
Et pour les femmes, « même en petites quantités, la consommation d'alcool peut augmenter le risque de cancer du sein. Elle peut provoquer des dysfonctionnements moteurs et cognitifs plus graves chez les femmes à des niveaux de consommation beaucoup plus faibles que chez les hommes », ajoute le document.
Une publication précédente de l’Alliance sur les MNT (NCDA) notait : « Outre les dommages physiques associés à la consommation d'alcool, il existe un large éventail de conséquences sur la santé mentale, par exemple une augmentation significative des taux de dépression, d'anxiété et de suicide, des problèmes relationnels et sociaux et des conséquences juridiques, ainsi que des psychoses et des états de manque. »
Alors pourquoi avons-nous entendu dire pendant toutes ces années que boire pouvait être bon pour nous ?
« La représentation de l'alcool comme nécessaire à une vie sociale dynamique a détourné l'attention des méfaits de la consommation d'alcool, tout comme les affirmations fréquentes et largement diffusées selon lesquelles une consommation modérée d'alcool, comme un verre de vin rouge par jour, peut offrir une protection contre les maladies cardiovasculaires », a déclaré Monika Arora, membre du comité de plaidoyer de la WHF et co-autrice de la note d’orientation. « Ces affirmations sont au mieux mal informées et au pire une tentative de l'industrie de l'alcool pour tromper le public sur les dangers de leur produit. »
En fait, selon le rapport, il existe de nombreuses raisons d’abandonner le mythe de la « consommation saine ».
Les preuves à l'appui de cette croyance reposent principalement sur des études d'observation.
Aucun essai contrôlé randomisé n'a confirmé les bénéfices de l'alcool pour la santé, alors que ces essais sont considérés comme l'étalon-or de la recherche parce qu'ils assignent de manière aléatoire des patients à différents traitements afin d’en comparer les bénéfices et les inconvénients.
La plupart des données sont observées uniquement sur la population caucasienne.
Certaines études qui montrent des effets positifs sont financées par l'industrie de l'alcool.
Des recherches distinctes sur l'industrie de l'alcool en Amérique latine et dans les Caraïbes (ALC) ont révélé que cette industrie a recours à diverses stratégies pour promouvoir la consommation. Le lobbying, la publicité par l'image, la constitution d'alliances et les actions en justice sont utilisés pour influencer les politiques gouvernementales dans quatre domaines clés : la disponibilité de l'alcool, les prix et les taxes, les réglementations en matière de commercialisation et les mesures relatives à l'alcool au volant, selon le rapport intitulé The Alcohol Industry's Commercial and Political Activities in Latin America and the Caribbean : Implications for Public Health [Les activités commerciales et politiques de l’industrie de l’alcool en Amérique latine et dans les Caraïbes : implications pour la santé publique].
Les mesures de santé publique dans la région ALC ont été difficiles à mettre en œuvre, même s'il existe des données scientifiques solides selon lesquelles ces mesures réduisent les méfaits liés à l'alcool. Cela s'explique par le fait que l'industrie de l'alcool a adopté des stratégies et des tactiques empruntées à Big Tobacco. C'est l'une des principales conclusions du rapport, produit par l’Alliance sur les MNT, la Global Alcohol Policy Alliance, la Healthy Latin America Coalition (HLAC) et la Healthy Caribbean Coalition.
« La quasi-totalité des pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont été exposés à certaines de ces tactiques », a déclaré Beatriz Champagne, coordinatrice de la HLAC. « Loin d'être un fournisseur passif de produits alcoolisés, l'industrie participe activement à la promotion de la demande d'alcool afin d'augmenter les ventes et les bénéfices, en particulier sur de nouveaux segments de marché comme les femmes et les jeunes adultes. »
Comme l'a récemment noté la NCDA, « le pouvoir, les actions et l'influence disproportionnés de l'industrie de l'alcool ont retardé la mise en œuvre des politiques, diluant les réponses avec des mécanismes faibles tels que la régulation volontaire ou l'autorégulation, détournant l'attention avec de fausses allégations et niant et semant le doute sur les données. Ces tactiques ont été et sont largement utilisées par les industries du tabac, de l'alimentation, des jeux d'argent et d'autres produits dangereux. »
Extrait du rapport de la WHF
Une recherche sur Google révèle la persistance du mythe de la consommation modérée d'alcool que l'industrie de l'alcool a contribué à entretenir. Mais il s'affaiblit. En 2016, le Royaume-Uni a modifié des conseils vieux de 20 ans sur la consommation modérée d'alcool et ses bienfaits pour le cœur, affirmant que ceux-ci étaient moindres que ce que l'on pensait auparavant et publiant de nouvelles directives indiquant que l'alcool augmentait le risque de certains cancers, selon un autre rapport co-écrit par la NCDA intitulé Trouble Brewing.
Les centres américains de contrôle et de prévention des maladies mettent également en doute les conseils précédents : « Bien que certaines études aient constaté une amélioration des résultats en matière de santé chez les buveurs modérés, il est impossible de conclure si ces meilleurs résultats sont dus à une consommation modérée d'alcool ou à d'autres différences de comportement ou de génétique entre les personnes qui boivent modérément et celles qui ne le font pas », indique son site web.
Un chercheur est certain que les études récentes qui ont mis en évidence les bienfaits d'une consommation modérée d'alcool ont échoué dans leur conception en ne tenant pas compte des différences de niveau de revenus des personnes étudiées. « Nous démontrons que lorsque l’on examine si les personnes sont riches ou pauvres, le lien entre alcool et santé disparaît », a déclaré le professeur associé Andy Towers, chercheur en toxicomanie de l'école des sciences de la santé de l'université Massey en Nouvelle-Zélande, cité par le journal The Guardian.
Les personnes qui boivent avec modération sont aussi des personnes « plus riches, qui ont de meilleurs logements, de meilleurs emplois, une meilleure éducation et qui peuvent, par conséquent, se permettre de meilleurs modes de vie qui favorisent une meilleure santé », a déclaré M. Towers au Guardian.
Le génie du mythe de l'alcool étant repoussé à l’intérieur la bouteille, la WHF recommande plusieurs mesures pour réduire les ravages causés par l'alcool :
• Limiter la disponibilité de l'alcool
• Améliorer l'accès au dépistage et au traitement
• Interdire la publicité pour l'alcool
• Augmenter les prix grâce aux taxes
• Imposer des avertissements sanitaires bien visibles sur les produits alcoolisés.