Semons la solidarité : les États de l'OPS appellent à une action commune contre les MNT
18 juillet 2022
18 juillet 2022
Tout au long des discussions de la semaine, l'objectif était clair : la solidarité entre les États membres et l'OMS, une collaboration renforcée et la responsabilisation dans tous les secteurs doivent jalonner la voie à suivre. Étant donné le chevauchement et de l'interdépendance des facteurs de risque qui caractérisent les maladies non transmissibles (MNT), il est essentiel d'apporter des réponses unies et d'investir de concert dans des interventions transversales pour améliorer la vie des personnes vivant avec des MNT et protéger les personnes à risque. Au nom des 240 millions de personnes vivant avec des MNT dans les Amériques, les États de l'OPS ont demandé une réponse unifiée et accélérée lors de la WHA75.
Alfredo Borrerovice, vice-président de l'Équateur et Luis Abinader, président de la République dominicaine ont représenté la région de l'OPS lors de la plénière d'ouverture. Ces deux dirigeants ont appelé à la solidarité, au renforcement de l'architecture de la gouvernance mondiale de la santé, tout en affirmant leur engagement à réaliser la couverture sanitaire universelle afin de concrétiser le droit à la santé. Le fait que la République dominicaine ait atteint une couverture d'assurance maladie de base de 98% est exemplaire. L'impact que les chefs d'État peuvent avoir en concrétisant leurs engagements par des actions montre bien le pouvoir de la mobilisation de tous les secteurs gouvernementaux pour investir dans la santé : quand on a une volonté politique, on peut.
S'il est encourageant de constater que la santé mentale a reçu la place qui lui revient, de nombreux États ont souligné le travail qu'il reste à accomplir. L'Argentine et le Belize ont plaidé pour l'intégration des services de santé mentale dans l’ensemble des soins primaires. La Colombie a souligné l'importance de prendre en compte les effets des substances psychoactives sur la santé mentale dans la planification de ces services intégrés. Les États-Unis, le Suriname et la République dominicaine ont fait part de la nécessité d'adopter des politiques visant à lutter contre la stigmatisation de la santé mentale et des troubles neurologiques, et le Pérou a mis en exergue l'importance d'une visibilité accrue de la santé mentale pour remédier à l'insuffisance des investissements publics dans ce domaine. La santé mentale du personnel de santé a également été évoquée avec préoccupation, compte tenu du surmenage dû à la pandémie de COVID-19. À cet égard, la Jamaïque a demandé que les services de santé mentale soient intégrés dans les dispositions de l'OMS relatives aux soins de santé d'urgence et le Paraguay s'efforce de faire en sorte que la santé mentale fasse partie de son plan national d’urgence.
Les Bahamas ont invoqué un budget insuffisant et l'impact du COVID-19 et des ouragans pour expliquer les faibles progrès en matière de MNT. À ce titre, ils ont exprimé des réserves quant à s’engager à atteindre certaines des cibles à l’horizon 2030, déclarant que l'objectif de 4/100 000 pour le cancer du col de l'utérus restait hors de leur portée et que le pays était en train de perdre la bataille contre l'obésité. Toutefois, ils ont décidé de tirer parti du pouvoir des chiffres dans la lutte contre les MNT en renforçant l'émancipation des communautés et leurs connaissances en matière de santé, et ont demandé à l'OMS de renforcer son soutien concernant l'étiquetage nutritionnel pour y parvenir. En reconnaissance de la solidarité régionale, les Bahamas ont salué le travail et le rôle moteur de la Healthy Caribbean Coalition (Coalition Caraïbes en bonne santé) dans l'élaboration d'un nouveau programme transformateur pour la prévention et la maîtrise des MNT au cours de la pandémie de COVID-19, élaboré par le biais de consultations avec des personnes vivant avec des MNT, ainsi que des acteurs du gouvernement et de la société civile et qui lance un appel pour un financement au niveau national en vue de soutenir ces efforts de prévention et de prise en charge des MNT dans les Caraïbes.
Autre exemple de partenariat fructueux, le Mexique a fait référence à un « esprit de coopération » en évoquant sa collaboration avec le Chili et le Pérou en vue d’élaborer et de mettre en œuvre des mesures visant à émanciper leurs communautés, à promouvoir une alimentation saine grâce à un étiquetage clair des aliments mauvais pour la santé et à empêcher la vente de ces aliments dans les écoles. Ils sont toutefois consternés par les efforts déployés par les industries des denrées mauvaises pour la santé en vue d’entraver ces initiatives par le biais des sociétés transnationales. Malheureusement, ce n'est pas nouveau. Des centaines de tactiques adoptées par les industries de produits mauvais pour la santé au cours de la pandémie de COVID-19 et jusqu’à aujourd’hui sont documentées dans « Signalling Virtue, Promoting Harm - Unhealthy commodity industries and COVID-19 » (Signaler les vertus, promouvoir les méfaits - les industries de produits mauvais pour la santé et le Covid-19).
Plusieurs autres États membres ont également souligné l'inquiétude suscitée par la commercialisation de produits de consommation tels que l'alcool, le tabac, les substituts du lait maternel, les boissons sucrées et les aliments hautement transformés. Le Pérou, l'Uruguay et le Mexique ont attiré l'attention sur le problème créé par le marketing numérique qui cible les groupes vulnérables, renforçant ainsi la nécessité d'une coopération mondiale pour fixer des normes, et de conseils de l'OMS pour atténuer l'influence néfaste du secteur. L'Uruguay a soutenu un instrument transfrontalier visant à réglementer la commercialisation de l'alcool sur des plateformes telles que les réseaux sociaux. L'Équateur a déclaré que l'industrie de l'alcool devrait être traitée de la même manière que l'industrie du tabac, et a explicitement lancé un appel en faveur de la convention-cadre de lutte contre l'alcool, qui devrait être similaire à celle de la lutte antitabac afin d’orienter la politique en matière d'alcool, et a encouragé la coopération avec la société civile dans ce domaine.
À l'autre extrémité du spectre, s’agissant du projet de Plan d'action mondial de l'OMS contre l'alcool (2022-2030) pour mettre en œuvre la stratégie mondiale visant à réduire l'usage nocif de l'alcool, il a été déconcertant d'entendre la position des États-Unis selon laquelle certains aspects du plan d'action, tels que ceux concernant les accords commerciaux, ne relèvent pas du mandat de l'OMS. La position des États-Unis ne correspond pas à l'impératif de santé publique qui consiste à s'attaquer aux déterminants commerciaux de la santé et à empêcher l'influence indue des industries nuisibles dans la politique de santé mondiale.
Il était rafraîchissant d'entendre l'une des déclarations sur les MNT prononcée par Le jeune délégué du Canada. Le jeune délégué a fait part de l'appréciation du Canada pour l'inclusion de la pollution de l'air en tant que facteur de risque important pour les MNT. Plus important encore, cependant, l’appel lancé par ce pays à poursuivre le travail de compréhension des autres impacts environnementaux sur les MNT. Il est important d'insister sur ce point : nous devons investir dans la compréhension et l'atténuation des effets de l'environnement sur la santé, et nous devons inclure les jeunes dans ces conversations, car ce sont les générations futures qui risquent d'être les plus touchées par les changements environnementaux. La voix des jeunes et leur participation aux forums internationaux sont essentielles à l'identification et à la mise en œuvre de solutions durables pour les MNT qui prennent en compte et traitent les facteurs de risque environnementaux.
Dans toutes ces discussions, la solidarité est apparue comme une condition indispensable à la lutte contre les MNT, évoquée par de nombreux intervenants. L'Équateur a imploré les États d’œuvrer de concert et avec l'OMS pour accélérer les progrès en matière de MNT et atteindre les cibles des ODD. Le Panama a noté comment la pandémie de COVID-19 a creusé des inégalités existant depuis longtemps, démontrant clairement que le monde ne peut pas perdre de temps dans des réponses cloisonnées et fragmentées aux crises sanitaires mondiales. Pour atténuer la crise des MNT, nous devons déployer des efforts opportuns et coopératifs à chaque étape de la définition des objectifs, de l'élaboration des politiques et des stratégies, de la mise en œuvre et de l'évaluation. La solidarité mondiale ne peut être un objectif uniquement pour la coopération entre les gouvernements et avec les agences multilatérales, elle doit faciliter l'inclusion significative des personnes qui se cachent derrière les statistiques. La solidarité doit être plus qu'un simple discours : elle doit être un engagement concret à créer, et pas seulement à rêver, un monde de santé et de paix pour tous.
Sarah Emoto achève un Master en santé publique avec une spécialisation en santé mondiale à l'université de Californie du Sud. Elle est titulaire d'une licence en histoire de l'université de Redlands. Après avoir obtenu son diplôme, elle souhaite exploiter ces deux disciplines, pour aborder le plaidoyer en matière de santé mondiale et de droits de la personne grâce à la compréhension des facteurs historiques des inégalités.