120 millions de décès prématurés : combien de raisons de plus nous faut-il pour agir ?
19 octobre 2017
19 octobre 2017
Imaginez l’année 2025. Dans à peine 8 ans, nous arriverons à l’année charnière que les gouvernements ont fixée pour les MNT. Réduire d’un quart le taux de mortalité évitable était, et demeure, notre aspiration. Mais si nous gardons le cap actuel, la réalité sera très différente.
Il ne s’agit pas uniquement de chiffres. Ce sont des personnes, avec des familles, des histoires, et le droit de vivre une longue vie en bonne santé. Mais les hasards de la géographie et la pauvreté continuent de raccourcir tragiquement des vies.
Permettez-moi de vous raconter deux histoires de jeunes gens qui vivent avec une MNT ou qui en meurent : Leticia de Mexico, et Robert de l’ouest de l’Ouganda.
La semaine dernière, j’ai rencontré Leticia, une jeune fille de 14 ans de Mexico, qui vit avec une obésité morbide et est en voie de développer le diabète. Elle est à l’âge où ses principales préoccupations devraient être de réussir à faire ses devoirs à temps et de décider quelle musique choisir pour impressionner ses amis. Au lieu de cela, elle doit affronter la décision de subir une importante chirurgie bariatrique afin d’éviter des conséquences graves pour sa santé à long terme, ou modifier radicalement son régime alimentaire et son mode de vie.
Elle nous a raconté son histoire : grandir dans une ville où il est plus normal de boire du soda que de l’eau, et où tout ce que les personnes vivant dans la pauvreté peuvent se permettre c’est la malbouffe. Son histoire illustre parfaitement celle de tant d’autres personnes dans le monde, où la santé des enfants et des adolescents est déterminée par l’endroit où ils sont nés, leur cadre de vie et de jeu, et les moteurs commerciaux puissants qui étouffent toute intention de faire des choix sains.
La préoccupation principale de Leticia, 14 ans, devrait être de réussir à rendre ses devoirs à temps, et non d’envisager de subir des interventions chirurgicales complexes pour résoudre son obésité morbide.
Partons de Mexico pour aller à Kasese, un district de montagne dans l’ouest de l’Ouganda, pour connaître l’histoire de Robert, jeune garçon de 16 ans qui est soudain tombé très malade et a perdu beaucoup de poids. Ses parents, qui sont des paysans pauvres avec de nombreux enfants, ont dû faire face à une terrible décision. La clinique la plus proche rendait nécessaire un long voyage, et le coût du traitement allait enfoncer la famille encore davantage dans la pauvreté. Submergés par un tel conflit de priorités, ils ont décidé de laisser mourir Robert sur le bord de la route.
Robert avait un diabète de type 1 non diagnostiqué, une maladie traitable dans le monde développé mais une condamnation à mort pour des milliers d’enfants chaque année dans les pays en développement. Les familles pauvres sont encore confrontées à un choix cornélien : utilisent-elles les maigres revenus du foyer pour acheter de l’insuline pour un de leurs enfants ou pour nourrir le reste de la famille ? Aucun parent, nulle part, ne devrait avoir à prendre cette décision.
En raison des faibles connaissances sur le diabète, et des soins et des traitements difficilement accessibles et peu abordables, Robert, 16 ans, a été laissé mourir sur le bord de la route.
Avec ces chiffres et ses histoires humaines en toile de fond, on pourrait imaginer qu’un sentiment d’injustice se serait fait jour. Que la coopération mondiale et le leadership national avanceraient à toute vapeur. Que les financements destinés aux populations les plus vulnérables couleraient à flots.
Mais, face au tsunami de santé publique que représentent les MNT, tout semble aller à une lenteur glaciaire.
Permettez-moi de mettre une chose au clair. Ce que je veux mettre en lumière ici n’est pas un simple exercice de rhétorique : sur le terrain, là où les enfants, les adolescents, les hommes et les femmes vivent et meurent, on assiste à très peu de changements. Nous en avons assez des promesses en l’air. Les gouvernements déçoivent leurs populations et avancent les yeux fermés vers un avenir malade
Enfin, je voudrais adresser un message aux gouvernements. Nous n’avons pas besoin de changement de paradigme.
Ce qu’il nous faut c’est une sonnette d’alarme. Une prise de conscience pour obtenir
Et nous avons une occasion en or pour faire entendre cet appel aux gouvernements avec la Réunion de haut-niveau 2018 des Nations Unies sur les MNT.
L’alternative est inacceptable. Plus de 120 millions de vies seront prématurément perdues à cause des MNT entre aujourd’hui et l’année 2025. Combien de raisons de plus nous faut-il pour agir ?
Les gouvernements déçoivent leurs populations et avancent les yeux fermés vers un avenir malade. Combien de raisons de plus nous faut-il pour agir contre les MNT ?
Katie Dain (@KatieDain1) est la Directrice générale de l’Alliance sur les MNT. Elle travaille à l’Alliance depuis sa création en 2009. Son expérience porte sur le développement organisationnel et stratégique, la sensibilisation et création de politiques au plan Mondial et la conception de programmes et le renforcement de capacités dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Katie jouit d’une grande reconnaissance en tant que défenseure et experte de premier plan en matière de MNT. Elle est l’auteur ou la cosignataire de nombreux articles et commentaires sur les questions de politique de santé mondiale et de développement.
(1) http://www.obesityday.worldobesity.org/
(2) NCD Risk Factor Collaboration (NCD-RisC). Worldwide trends in body-mass index, underweight, overweight, and obesity from 1975 to 2016: a pooled analysis of 2416 population-based measurement studies in 128·9 million children, adolescents, and adults. Lancet 2017.
(3) Based on IDF estimate that in 2015, 415 million adults had diabetes and that by 2040, 1 adult in 10 (642 million) will have diabetes. IDF Diabetes Atlas, 7th Edition, International Diabetes Federation, 2015
(4) Based on WHO estimate of 40 million deaths from NCDs in 2015, of which 15 occur in the 30-69 age bracket, and increasing deaths in the next 8 years until 2025. http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs355/en/
(5) Who Global Status Report on NCDs. World Health Organization, 2014.