Un mouvement des MNT mondial ne connaît pas de frontières !

26 avril 2018

Susanne Volqvartz a été la fondatrice et la directrice du développement de l’Alliance danoise sur les MNT de 2009 jusqu’à sa retraite en mai 2018. Une partie de sa remarquable contribution au mouvement des MNT repose sur la promotion de la collaboration Nord-Sud entre les organisations s’occupant de MNT. Elle nous livre ici ses réflexions post-retraite sur ce sujet.

 

La naissance de l’Alliance danoise sur les MNT

Au cours de la première décennie des années 2000, j’ai partagé ma frustration quant à l’exclusion des maladies cardio-vasculaires des objectifs du Millénaire pour le développement avec mes collègues spécialistes du cœur dans le monde. Il était évident que la stratégie consistant à lutter séparément pour l’inclusion de chaque MNT dans les OMD avait échoué. En tant que membre du conseil d’administration de la Fédération mondiale du cœur (WHF), j’ai participé à la décision de lancer l’Alliance sur les MNT en 2009, ce que j’ai fait peu de temps après avoir démissionné de mon poste de PDG de la Fondation danoise du cœur. L’alliance danoise sur les MNT (DNCDA) a réuni la Société danoise du cancer, l’Association danoise du diabète et la Fondation danoise du cœur.

L’objectif de la DNCDA était de développer les capacités des alliances sur les MNT africaines afin qu’elles puissent mener leur propre combat et contribuer au mouvement mondial pour la prévention et la maîtrise des MNT.

J’avais une certaine expérience, ayant travaillé avec une fédération du cœur au Kenya, dans le cadre d’un programme de jumelage lancé par la WHF. L’enjeu, alors, consistait à trouver des personnes pour démarrer une association et développer les capacités et le soutien financier destinés aux activités et à l’assistance technique.

Après avoir consulté les membres de l’Alliance mondiale sur les MNT, nous avons décidé de nous rapprocher de l’Ouganda afin d’y soutenir la création d’une alliance sur les MNT en 2010. Par la suite, il y a eu la Tanzanie en 2011, Zanzibar en 2013 et le Burundi, le Rwanda et le Kenya en 2014, où nous avons également favorisé la création d’une alliance parapluie régionale. Dans la situation initiale, des associations de lutte contre le diabète existaient, mais les associations des autres MNT étaient soit non-existantes, soit fragmentées en petits groupes. Le défi consistait à construire des capacités dans les nouvelles associations membres, tout en mettant en place les alliances sur les MNT.

Lorsque nous avons démarré la DNCDA, nous savions que nouer des alliances était un élément crucial pour assurer la responsabilisation et l’influence dues aux facteurs de risque commun. Les alliances étaient donc développées parallèlement à la création de leurs associations membres. Un véritable défi, mais rétrospectivement c’était la bonne décision. Les gouvernements des pays avec lesquels nous travaillons se sont engagés à mettre en œuvre des stratégies de lutte contre les MNT, et ils bénéficient grandement des efforts et de la collaboration avec une alliance sur les MNT bien organisée, plutôt qu’avec de nombreuses associations concurrentes.

 

Les danois peuvent bénéficier d’un mouvement mondial

Les trois membres de la DNCDA ont pour objectif d’améliorer la santé des citoyens danois en matière de cancer, diabète et maladies cardio-vasculaires. Ils comptent sur les dons à cette fin. Alors comment pouvaient-ils dépenser leurs fonds et leurs ressources au bénéfice des africains ? C’est une question importante qui a été résolue de différentes façons. Tout d’abord, la plupart de nos activités sont financées par le Fonds de la société civile, une modalité de financement de DANIDA, l'Agence danoise pour le développement international, destinée au développement de la démocratie à travers la construction d’organisations de la société civile solides et dynamiques, grâce à la collaboration entre les OSC danoises et celles des pays en développement. En deuxième lieu, les associations membres de la DNCDA ont estimé qu’il était de notre obligation d’utiliser nos expériences pour aider certaines des populations les plus pauvres du monde à combattre le fléau grandissant des MNT.

Avec l’approbation des Objectifs de développement durable, nous avons une incitation supplémentaire. Ces objectifs universels créent une action mondiale commune plus directe. Un exemple en est la taxation du tabac, du sucre et des graisses. Une forte pression mondiale peut également faire avancer la législation danoise, qui est à la traîne dans ce domaine.

 

La collaboration Nord-Sud pour lancer le développement organisationnel

Les populations de l’Afrique de l’Est auraient trouvé un moyen de s’organiser sans le soutien de la DNCDA, mais elles auraient mis des années de plus. Et entre-temps, des personnes décèdent inutilement et prématurément à cause des MNT. Les facteurs de risque de ces maladies sont en augmentation dans de nombreux pays en développement, au lieu d’être contrôlés. Les personnes atteintes de MNT, et celles qui travaillent avec ces maladies, sont les mieux placées pour combattre cette tendance, mais elles doivent s’organiser. Nous pouvons les aider à bâtir leurs organisations, et grâce aux expériences et aux ressources des organisations bien consolidées du « Nord », nous pouvons les démarrer et les former. Ceci serait bénéfique pour tous, et nous le devons à nos semblables des pays pauvres. Notre travail au Danemark se fonde sur une éthique d’aide aux personnes dans le besoin. La solidarité ne devrait pas s’arrêter aux frontières. Le mouvement mondial de lutte contre le VIH/SIDA a démontré le succès de l’approche Nord-Sud.

 

Tout le monde bénéficie des synergies créées en travaillant ensemble

Nous avons créé nos propres capacités afin de soutenir le renforcement de capacités en Afrique de l’Est de la même façon dont nous l’avions fait. Beaucoup de choses auraient pu être faites différemment. Après huit ans d’engagement, nous avons renforcé nos compétences afin de mieux gérer les défis élémentaires. Les nouvelles initiatives peuvent profiter des nombreux enseignements que nous avons tirés, et l’Alliance sur les MNT peut offrir un soutien précieux pour le renforcement des capacités de collaboration Nord-Sud.

Une chose qu’il convient de rappeler ici est que la collaboration Nord-Sud, ce n’est pas uniquement un partenaire qui aide l’autre. Il s’agit de créer des synergies en travaillant ensemble. La DNCDA et les alliances de l’Afrique de l’Est ont tiré parti des initiatives communes de plaidoyer mondial liées à la RHN-ONU. Nous avons travaillé de concert afin de développer la responsabilisation de l’Afrique de l’Est, et d’en faire un message à l’attention des gouvernements nationaux, d’une part, pour les appeler à l’action, et du système des Nations Unies, d’autre part, pour obtenir son soutien. En 2018, nous organiserons ensemble un événement spécial lors de la RHN-ONU afin d’informer les parties prenantes mondiales sur les besoins et les souhaits des personnes atteintes de MNT en Afrique de l’Est.

 

Avantages personnels et organisationnels obtenus en travaillant avec les alliances de l’Afrique de l’Est

Pour moi, et pour tous les employés et les bénévoles des associations membres de la DNCDA qui se sont engagées dans une collaboration avec les alliances sur les MNT de l’Afrique de l’Est, cela a représenté un processus d’apprentissage extraordinaire, qui nous a permis de tisser des amitiés profondes avec des personnes vivant une situation totalement différente de la nôtre. En tant qu’individus et organisations, nous avons acquis de nouvelles perspectives pour notre travail, grâce à ce que nous avons appris sur les difficultés que rencontrent les personnes les plus pauvres de la planète.

À l’échelle nationale, ce projet nous a donné une dimension supplémentaire de plaidoyer. Nous avons, dès le départ, travaillé aux côtés du ministère du Développement et des ambassades du Danemark. Notre plaidoyer mondial a bénéficié d’un soutien très marqué de la part de quatre ministres du Développement différents et de nos ambassades, en particulier de l’ambassade auprès de l’ONU à New York. Ceci a nourri notre activité de plaidoyer mondial en collaboration avec l’Alliance sur les MNT. Au plan national, notre responsabilisation et notre reconnaissance s’en sont vu améliorées. Il s’agit, bien sûr, d’un succès à mettre au crédit de la DNCDA, mais je ne peux pas m’empêcher de ressentir une certaine fierté moi-même.

Lorsque j’ai lancé la DNCDA et entamé notre collaboration Nord-Sud en Afrique de l’Est, j’imaginais que nous nous retirerions au bout de sept ou huit ans, laissant derrière nous des alliances sur les MNT durables. Mais construire des associations durables prend du temps et ce n’est pas encore terminé. Ceci m’amène à évoquer l’une de mes plus grandes frustrations. Le financement ! Nous avons obtenu de nombreuses réussites, dont la RHN-ONU 2011, le Plan d’action mondial sur les MNT et les Objectifs de développement durable. Mais le financement durable de la réponse aux MNT n’est toujours pas en place. Le groupe africain l’a exprimé lors du Forum mondial sur les MNT, dans ses priorités : « le financement, le financement, le financement ». Je suis d’accord avec eux : il s’agit de l’un des plus grands défis, pour eux et pour nous, dans la lutte efficace contre les MNT.

Nos partenaires en Afrique de l’Est comptent toujours essentiellement sur le soutien financier de la DNCDA. Le financement est une question primordiale pour le mouvement mondial des MNT et il sera au cœur de la stratégie de la DNCDA.

 

Je lance un appel aux autres associations sur les MNT « du nord » pour qu’elles s’engagent dans la collaboration Nord-Sud.

Au terme de huit ans de collaboration Nord-Sud, je suis convaincue que c’est une stratégie qui peut créer des synergies et renforcer le mouvement mondial des MNT. J’encourage d’autres organisations du Nord et du Sud à s’engager. Cette collaboration peut prendre beaucoup de formes et de dimensions différentes selon les ressources, les intérêts et les objectifs. Nous devons démontrer que l’engagement mondial n’est pas uniquement quelque chose que nous demandons à nos gouvernements, mais ce à quoi nous nous engageons nous-même.

 

Faites-le ! Vous serez mis au défi, mais vous ne le regretterez pas.

 

 

La collaboration Nord-Sud, ce n’est pas uniquement un partenaire qui aide l’autre. Il s’agit de créer des synergies en travaillant ensemble…

 

À propos de l’auteur 

Susanne Volqvartz a été la fondatrice de l’Alliance danoise sur les MNT et sa directrice à partir de 2009. Elle a quitté son dernier poste de directrice du développement et pris sa retraite le 1er mars 2018. Elle a été PDG de la Fondation danoise du Cœur de 2000 à 2009, et s’est engagée dans le plaidoyer mondial en tant que présidente et membre du Conseil d’administration du Réseau européen du cœur et membre du Conseil d’administration de la Fédération mondiale du cœur (WHF).

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